Ici, l'image amène le mot, mais le mot n'est-il pas lui aussi image ? Marie-Noëlle Marange mêle les deux dans des tableaux vivants où delicatesse et force de la matière s'allient à la beautė simple des éléments : L'écume d'un jour se fond dans un océan de galets pleins et ronds, une eau claire vibre à la rencontre de branches noueuses et souples, tentacules puissantes mais aussi fragiles qui dansent et s'entrelacent... Les photos de Marie-Noëlle Marange sont les pages d'un livre que l'on ne tourne qu'après s'être laissé surprendre, puis porté par tant de vérité.
A vous de trouver les mots qui feront de ces images votre propre univers.
Guillaume Villaros.
Le déclic se fit le jour où mon frère aîné François-Xavier – artiste peintre
et graveur en taille douce décédé le 8 octobre 2012 - jeta, l’air de rien, sur
mon petit bureau d’adolescente un livre de Breton: « Clair de Terre ».
De lecture en lecture, de surprise en surprise, de douteuse compréhension
en totale incompréhension, d’abandon en abandon, de désespoir en désillusion,
de jouissance en réjouissance, j’arrive à la conclusion que j’adore ce monde
sans toutefois le saisir. Quelle chance d’avoir pu en prendre conscience !
C’est alors que, quelques années plus tard, je découvre La trahison des images de René Magritte.
Quelles sont les relations entre les mots et les images ? Quelles sont les
relations entre l’idée et la réalité ?
Voilà ce que je voulais représenter à travers ce Leika offert, l’air de rien, par François-Xavier : tous les
deux avons été trahis par la vie et nous avons voulu représenter ces espoirs
déchus en peinture, en photos, en mots.
Cependant, des séquelles de « polio » ne cessaient de me rappeler
que mon rêve de « chasser » dans la nature ces images de-structurées
était inaccessible. Adieu, clichés de cieux
aux nuages partant en fumée ; eaux turbulentes interrompues par des
pensées nonchalantes ; détails
d’écorces ensanglantées ; brouillards découpés par des sillons inondés…
Qu’importe !
Qu’importe !
Comme un écrivain en cache toujours un autre, Perec, Calvino, Ponge me
rendirent visite tour à tour lorsque, opérée ou accidentée, je devais garder le
lit. Puis, viendront Barthes, Umberto Eco,
Pascal Quignard, Virginia Woolf, Derida et tant d’autres qui m’enseigneront les
différentes tonalités des mots.
Ces mots-ci décidèrent alors de prendre une grande place dans ma vie professionnelle comme dans
ma vie privée. Je deviens professeure de
français en Espagne et traductrice ayant l’ambition de représenter l’idée par
le mot. Je deviens aussi organisatrice d’ateliers d’écriture pour adultes et
enfants.
Pourtant, la photo est là. Là, comme l’amie fidèle, l’amie que l’on ne peut
trahir. L’amie à qui on dit secrètement : un jour viendra... L’appareil – le
troisième, le quatrième, que sais-je ?- m’accompagne tout au long de ces
années tissées de joies et d’épreuves. Comme toutes les vies. Mon œil tente de
les reproduire sans pour autant obtenir la distance qui rend possible la
dissociation prétendue.
Alliés à l’avènement de la photo numérique, les progrès de la médecine
minimisent les séquelles et me permettent de créer ces images qui habitaient
mes rêves. Combiner, marier, opposer, contredire, imprimer les mots par des photos.
« Le monde tel qu’il est, est inséparable de son mystère » dit
René Magritte et c’est ce mystère-là que l’on poursuit sans jamais désirer
l’atteindre.
Marie-Noëlle Marange
Marie-Noëlle Marange
"Grandir à l’orée des forêts
Se nourrir
Du souffle animal
Et de son humilité"
François-Xavier Marange
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